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Thursday 6
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Stéphane Tirard (Centre F. Viète, Université de Nantes)
› 16:00 - 16:30 (30min)
› Salle de conférences
Ni dupes ni jouets. Journalistes médicaux et scientifiques contre Pierre Flourens, Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences, physiologiste, historien des sciences et auto-vulgarisateur
Sharman Levinson  1  
1 : Université d'Angers et American University of Paris
Université d'Angers

« Au milieu de l'indifférence ou de la peur, il faut qu'une voix au moins, une seule, s'élève pour devancer le jugement de la postérité, et pour prouver à nos successeurs que la France savante du XIXe siècle n'a pas été la dupe et le jouet de M. Flourens. Cette voix sera la nôtre. » Dr. Periergopoulos (1858) Eloge de Marie-Jean-Pierre Flourens, membre de l'Académie Française et Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences.

En 1858, Louis Fleury, rédacteur en chef du Progrès : Journal des sciences et de la profession médicales, lance sous le pseudonyme, Dr. Periergopoulos, une attaque particulièrement virulente contre le Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences, Pierre Flourens(1794-1867). Son Eloge satirique de Flourens est relayé et débattu par des journalistes scientifiques tels que Victor Meunier (L'Ami des Sciences) et l'Abbé Moigno (Cosmos). Ces publications rendent alors explicites les multiples enjeux scientifiques et culturels que revêtait la physiologie pour la France au milieu du xixe siècle et, plus largement les considérations morales mobilisées dans l'évaluation du travail scientifique. La médiation culturelle mise en œuvre par ces journalistes avait la particularité d'être en même temps une forme de revendication concurrente de la « vérité » dans une société aux prises avec la censure, d'un côté, et la « réclame », de l'autre.

Alors que le statut d'écrivain scientifique s'est professionnalisé lors de la première période du Second Empire, des journalistes spécialisés en sciences ne pouvaient que s'indigner des tentatives du Secrétaire Perpétuel de l'Académie pour toucher « directement » un large public avec ses propres livres de vulgarisation, comme De la longévité humaine et de la quantité de vie sur le globe (1854) ou De la vie et de l'intelligence (1858). Le fait que, par leur formation, des journalistes médicaux et scientifiques fussent à même de critiquer non seulement la forme (le style) des publications de Flourens, mais aussi leur fondements scientifiques, fait de leurs articles des sources essentielles pour comprendre des débats relativement étouffés dans/par les Académies, mais où un large public de lecteurs se trouvait néanmoins convié par l'intermédiaire des journaux. On y décèle une critique complexe d'un système qui se célébrait comme méritocratique, mais qui souffrait paradoxalement de l'étanchéité des cercles de pouvoir.

Cette communication sera centrée sur la couverture médiatique de deux débats initiés puis interrompus à l'Académie des Sciences entre 1856 et 1858. Le premier portait sur la fonction des glandes surrénales, et le second sur le « nœud vital ». Ces deux débats, qui impliquent Pierre Flourens et Charles Edouard Brown Séquard, présenté comme l'outsider, coïncident avec la publication des livres d'auto-vulgarisation de Flourens et sont immédiatement suivis par la « campagne » de Fleury dans Le Progrès, relayée dans la presse scientifique. Outre les Comptes Rendus des Séances de l'Académie des Sciences et les articles dans des revues scientifiques, les articles de presse et les sources d'archives (correspondances interpersonnelles et administratives) permettent : 1) d'analyser le « silence » dans les Académies (le silence « stratégique » de Claude Bernard étant emblématique à ce propos) 2)de mettre en rapport ce « silence » et les critiques qui émergent dans la presse où les dimensions culturelles des débats sont explorées 3) de mieux comprendre les relations interpersonnelles et les « projets » des acteurs (journalistes et physiologistes) impliqués dans ces débats.

La place de ces débats académiques tronqués au sein des grands débats propres à la physiologie (la place de l'anatomie microscopique, la question de la localisation des fonctions et des facultés, la spécificité des être vivants et de l'état du vivant, les bases épistémologiques de l'expérimentation, la relation de la physiologie à la médecine et, en particulier, à la clinique) sont, sous la plume de journalistes scientifiques, le reflet d'autant d'enjeux politiques et culturels dans la première décennie du Second Empire en France.

Enfin, la préoccupation de la « postérité » semble partagée par le Secrétaire Perpétuel de l'Académie et par les journalistes qui s'adressent à leurs contemporains, mais invoquent souvent le futur. Les stratégies de carrière à court et à long terme sont aussi une clé pour comprendre les stratégies du silence (l'agencement du « dit » et du « non-dit) mise en œuvre dans l'Académie mais éclairent aussi la forme prise par la dénonciation dans la presse.



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