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Friday 7
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Vincent Barras (Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé, Lausanne)
› 10:00 - 10:30 (30min)
› Salle de conférences
Le docteur Boissarie et les 'guéris' de Lourdes face aux experts de la Salpêtrière et de l'école de Nancy (1890–1914)
Antoinette Guise Castelnuovo  1@  
1 : Laboratoire d'excellence « Histoire et anthropologie des savoirs, des techniques et des croyances » (Hastec, Paris)
Labex Hastec Paris

Vidéo de l'intervention accessible sur la plateforme Canal-U

Lorsque Lourdes devient un sanctuaire thérapeutique (années 1870) après avoir fait son entrée dans l'actualité comme lieu d'apparitions (1858), le monde médical évoque volontiers la manipulation. Il faut attendre le début des années 1890, avec le développement du Bureau médical de Lourdes et le best seller de Zola (Lourdes) pour que les guérisons de Lourdes deviennent sujet à discussion médicale (Charcot, 1892, « La foi qui guérit »).

Le docteur Boissarie, président du bureau médical des constatations à Lourdes, ainsi que les « guéris » de Lourdes entament une bataille inégale pour tenter de prouver le caractère réel, extraordinaire et surnaturel de leurs guérisons. L'administration de la preuve se fait bien souvent par l'exhibition du miraculé et de son témoignage. Mais les arguments des tenants de l'hystérie comme ceux des tenants de l'hypnose ou de la suggestion sont pris en compte et influent à la fois sur le choix des spécimens de guérison, sur les récits de ces guérisons et sur l'administration de la preuve. De l'autre côté, comme l'a montré Hervé Guillemain, ce qui se passe à Lourdes peut influencer la définition du périmètre de l'hystérie, tandis que la contestation du miracle semble favoriser la vulgarisation des travaux du Dr Bernheim et de ses disciples, renforçant ou infléchissant les hypothèses naturalistes de Zola.

Pour étudier la manière dont la quête de légitimité de la « clinique de Lourdes » fournit matière à penser aux tenants de la psychothérapie, ainsi que la manière dont la psychothérapie à ses débuts influence la mise en scène et la médiatisation des miraculés de Lourdes, on travaille sur deux types de publications : celles du Dr Boissarie et de quelques autres défenseurs de la possibilité du miracle dont certains font des thèses de médecine sur le sujet (Bon, 1908, Van der Elst, 1912) tandis d'autres se chargent de la vulgarisation (Bertrin) ; sur la production médicale extérieure à Lourdes qui s'intéresse à ces guérisons pour résoudre de manière rationnelle les énigmes posées à la science et, parfois, les utiliser dans la construction de théories médicales. On veut également s'intéresser à la manière dont les uns et les autres se citent et s'interprètent, construisant un espace de controverse qui contribue à installer Lourdes comme la capitale du miracle.

Le Dr Boissarie et les « guéris » de Lourdes veulent contraindre le monde médical à prendre en compte la thérapeutique surnaturelle ; on peut y lire une revendication, pour les femmes, de leur pleine santé mentale (refus de l'hystérie), de la réalité de la maladie et de la guérison, ainsi qu'une revendication de l'autonomie et de la lucidité des sujets (contre l'hypnose et la suggestion, qui fascinent et inquiètent).

On peut considérer, également, que l'œuvre du Dr Boissarie vise à installer de force la possibilité d'une thérapeutique religieuse à un moment où la médecine devient capable de fournir des explications naturelles jugées satisfaisantes par beaucoup.

Cette étude, centrée sur la production écrite, scientifique ou pseudo-scientifique sur Lourdes, permet également de réfléchir à la construction d'un savoir social de la guérison qui utilise le lexique scientifique tout en simplifiant voire en dénaturant les thérapeutiques auxquelles il fait référence.



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