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Appréhender l'histoire des sciences, et a fortiori de la médecine, « par en bas », c'est donner la parole non plus aux médecins ou à la théorie médicale, mais aux malades et à leur famille. Tel sera l'objet de cet article qui, fondée sur la bande dessinée de David B., L'Ascension du Haut Mal[1], tentera de mettre au jour les intrications physiques, psychologiques et sociales de l'épilepsie qui touche le fils aîné de la famille Beauchard. Comment vit-on et guérit-on dans une société déterminée ? Comment une famille peut-elle comprendre la maladie et la faire comprendre à autrui dans la France des années 60 ?
Pour comprendre la manière dont le corps médical perçoit le corps épileptique et son rapport au monde à la même époque, nous nous appuierons sur un article tiré de la Semaine neuro-physiologique de la Salpêtrière : « Le problème social de l'épilepsie »[2], afin de mesurer la distance entre le discours médical et la réalité brutalement concrète de la maladie. En effet, la BD, en tant qu' « art séquentiel » a ceci de propre de pouvoir raconter un récit sans mots, par la simple production et manipulation d'images dont les usages symboliques permettent d'évoquer le contenu psychique des personnages. Cette spécificité du média bande-dessinée permet à David B., témoin extérieur de la maladie de son frère aîné, d'explorer non seulement la dimension spectaculaire et socialement a‑normale de l'épilepsie mais aussi, en représentant les maladies sous la forme de monstres par exemple, de raconter l'intimité familiale et psychique de cette maladie qui se joue autant dans le corps du malade que dans son entourage et le regard des autres. Car, comme le fait remarquer David B., ne touche pas seulement l'individu : « nous sommes malades de sa maladie » (volume 4, p. 28).
La mise en bande dessinée pose ainsi la question des conditions sociales qui ont déterminé la réception de la maladie, car il détermine la façon dont la maladie est accueillie par la famille et la façon dont elle est traitée par David B., en bande dessinée. La comparaison entre la conception médicale du problème social de l'épilepsie et sa représentation dans l'œuvre de David B. permettrait donc d'aborder des problèmes souvent cachés au regard traditionnel de l'histoire de la médecine. Des enfants effrayés aux badauds choqués en passant par la police qui soupçonne la prise de drogue ou le médecin qui diagnostique la « méchanceté », cette analyse montrerait la persistance, dans son vécu, de l'épilepsie dans sa forme la plus archaïque : le « haut mal », signe de mauvais augure sans thérapie, tour à tour contagieux, honteux, héréditaire peut-être, en tout cas mortifère.
[1] David B., L'Ascension du Haut Mal, six volumes, L'Association, collection Eperluette, 1996-2003.
[2] B. Ch. Ledeboer, « Le problème social de l'épilepsie »[2], in Bases physiologiques et aspects cliniques de l'épilepsie, volume appartenant aux Actualités neuro-physiologiques de la Semaine neuro-physiologique de la Salpêtrière, publiées sous la direction du Pr Th. Alajouanine, Masson & Cie, 1958.
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