Schedule > By speacker > Lorenzi Camille

Wednesday 5
sess_4367
Jacqueline Carroy (EHESS, Centre A. Koyré)
› 11:00 - 11:30 (30min)
› E 18
L'aquarium en France dans les années 1850–1860, un outil de vulgarisation scientifique ?
Camille Lorenzi  1, *@  
1 : Centre de recherche du XIXe siècle  -  Website
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
* : Corresponding author

Vidéo de l'intervention accessible sur la plateforme Canal-U

 

 

Nous proposons d'étudier ici la façon dont l'aquarium, pur outil de laboratoire à l'origine, a été diffusé auprès du public comme un outil d'étude par les naturalistes, et la manière dont il a été reçu et apprivoisé par les amateurs.

Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, les naturalistes s'étaient essentiellement intéressés à la description physiologique du poisson, et celle-ci pouvait être aisément réalisée à partir de l'étude d'un cadavre. Cependant, l'étude des mœurs ou du mouvement des êtres aquatiques nécessite de pouvoir observer ces êtres vivant dans leur milieu naturel, c'est-à-dire d'abord dans l'eau. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, de nombreux naturalistes se sont donc mis à la recherche d'un dispositif technique spécifique apte à maintenir en vie des organismes marins de tout genre : le but était de reconstituer le plus fidèlement possible l'environnement naturel du poisson. Ainsi naquit l'« aquarium équilibré », de la collaboration du naturaliste P. H. Gosse et du chimiste R. Warington au début des années 1850 en Angleterre.

L'intention des différents promoteurs de l'aquarium était de diffuser largement cette invention auprès de la population, pour que celle-ci puisse étudier la vie sous-marine. Nous pouvons tenter de cerner cette diffusion à l'aide de différentes sources : tout d'abord les manuels scientifiques parus à ce propos ; puis les manuels ou articles de presse des amateurs qui ont tenté leur propre expérience. Une autre source importante pour envisager cette diffusion est celle des différentes publications parues à l'occasion de l'ouverture des grands aquariums publics à Paris. Il est important de considérer ici le caractère indirect de ces sources : elles peuvent nous aider à comprendre comment l'aquarium a été diffusé, même si bien sûr nous n'avons pas véritablement accès aux réactions des particuliers eux-mêmes.

Nous pouvons néanmoins cerner davantage ces réactions en étudiant de plus près la manière dont le public s'est approprié ce nouvel objet. L'aquarium a en effet fait l'objet d'un véritable phénomène de mode dans les années 1850-1860 en France. Cet engouement ne s'est pas du tout fondé sur le caractère scientifique de l'appareil en question : dans les articles de presse de périodiques de vulgarisation comme le Magasin pittoresque, les différents intervenants se révèlent souvent très critiques vis-à-vis de la façon dont les amateurs perçoivent l'aquarium, qui d'outil scientifique devient très rapidement un ornement de luxe, abritant les espèces les plus rares, et n'arborant plus aucune dimension scientifique pour celui qui le possédait. En croisant les critiques lues dans ces périodiques et les réactions de purs amateurs – que l'on peut retrouver dans des articles de presse généraliste ou satirique – nous pouvons mieux envisager le détournement dont l'aquarium a fait l'objet après sa diffusion. Le phénomène de mode qui toucha l'aquarium dans les années qui suivirent son apparition a d'ailleurs été rapidement condamné par les scientifiques, qui récupérèrent l'objet sitôt l'engouement essoufflé.

Nous nous attacherons donc dans cette présentation à mettre en évidence les modes de diffusions de l'aquarium et les acteurs qui y ont participé. Nous nous intéresserons également aux modes d'appropriation dont ce dernier a fait l'objet auprès des amateurs, jusqu'à être entièrement détourné de son but d'origine.

D'un point de vue méthodologique, la question des sources est problématique dans le cas de l'aquarium : pour tenter de comprendre de quelle façon l'aquarium a été reçu et perçu par la population, nous devons passer par les articles de presse et par les différents manuels de vulgarisation. Or ces sources ne nous renseignent pas directement sur les réactions effectives des amateurs. Nous devons, à partir du discours reconstitué dans les articles et dans les manuels, envisager les représentations que le public pouvait se faire de ce nouvel appareil de cabinet.



  • Presentation
Online user: 1