Thursday 6
sess_4377
Laurence Guignard (Université de Lorraine)
› 16:00 - 16:30 (30min)
› E 18
La dérive des continents : un exemple de discussions sur un savoir construit « par en bas »
Philippe Le Vigouroux  1  , Gabriel Gohau  1  
1 : Centre François Viète : épistémologie, histoire des sciences et des techniques  -  Website
Université de Nantes : EA1161, Université de Bretagne Occidentale (UBO), Université de Bretagne Occidentale [UBO]
Faculté des Sciences et des Techniques 2 rue de la Houssinière BP 92208 44322 NANTES Cedex 3 -  France

Classiquement, une science partie du bas est celle des praticiens dont les savoirs locaux s'associent pour construire les théories de niveau supérieur. Mais, sans chercher le paradoxe à tout prix, on pourrait inverser le sujet en choisissant les auteurs d'idées si générales qu'elles ne peuvent venir que de modestes savants faisant une incursion hors de leur champ de connaissance et qui se heurteront nécessairement aux plus éminents spécialistes par leur utilisation approximative d'un savoir commun. Jusqu'à ce qu'un avenir plus ou moins lointain leur donne raison contre ceux-ci.

Tel nous paraît le cas du météorologiste Alfred Wegener (1880-1930) et de sa théorie de la dérive continentale (1912) qui supputait que les continents se déplaçaient sur un soubassement plus ou moins liquide. En mobilisant des savoirs issus de multiples disciplines, il proposa cette théorie mobiliste générale que les plus éminents paléontologues et géophysiciens critiquèrent en soulignant ses insuffisances et approximations.

Ce furent des vulgarisateurs, des savants modestes ou encore divers acteurs non institutionnels qui prirent suffisamment au sérieux sa thèse, soit pour l'adopter, la compléter ou la contester. On peut citer, par exemple, E. Belot, P. Dive, R. Mantovani, Ph. Russo ou même le grand Pierre Termier. Restant à un niveau trop général, ces critiques ne feront pas progresser la connaissance géologique.

À côté de ces auteurs, un éminent tectonicien, Émile Argand, en l'appliquant à un cas précis, celui de l'Asie, montre toute la fécondité de la théorie wegenérienne (1922). Mais l'histoire s'arrête là, car, les preuves attendues pour la valider se faisant attendre, il fallut encore trente ans pour que les recherches dans des champs aussi différents que le paléomagnétisme, l'exploration des fonds océaniques, la répartition des séismes, etc. permettent de formuler une nouvelle théorie mobiliste (la tectonique des plaques lithosphériques) pour en faire, cette fois, l'explication globale des sciences de la Terre, dont les acteurs feront de Wegener un précurseur.

Dans cette communication qui conduira à cerner les frontières entre science « par en haut » et science « par en bas », nous montrerons à quelles conditions le niveau de la critique portée à un savoir initié « par en bas » par un non spécialiste permet la construction d'une véritable connaissance scientifique. Nous nous appuierons pour cela sur l'exemple de plusieurs acteurs de cet épisode de l'histoire de la géologie en identifiant leurs origines, les savoirs dont ils disposent et leurs préoccupations.



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