Thursday 6
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Laurence Guignard (Université de Lorraine)
› 15:30 - 16:00 (30min)
› E 18
Les manuels scolaires de sciences : une source pour histoire par « en bas » ?
Catherine Radtka  1@  
1 : Centre Alexandre Koyré - Centre de Recherche en Histoire des Sciences et des Techniques  (CAK-CRHST)  -  Website
CNRS : UMR8560, Cité des Sciences et de l'Industrie, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS]
Muséum National d'Histoire Naturelle Pavillon Chevreul 57, rue Cuvier 75231 Paris cedex 05 -  France

Vidéo de l'intervention accessible sur la plateforme Canal-U

Dans le champ des études sur la science, les pratiques amateurs ont trouvé droit de cité ; les catégories sociales généralement invisibles, marginalisées, ou placées en position d'infériorité sont devenues des objets d'étude qui ont permis d'interroger la construction de la démarcation entre activités socialement reconnues comme scientifiques et celles considérées comme non scientifiques[1]. Dans leur « troisième vague », les Science and Technology Studies (STS) ont introduit un questionnement sur la légitimité de la parole scientifique, notamment face à celle des profanes[2] et la contribution de ces derniers à l'élaboration des connaissances scientifiques a ainsi été soulignée[3]. Une diversification des acteurs de la science qui ont, après les « grands hommes », trouvé une place dans l'histoire des sciences s'est ainsi opérée. Pour autant, ce qui a fait entrer ces acteurs dans l'histoire des sciences est bien leur contribution originale à la construction du savoir scientifique. Apparentés à des chercheurs de « plein air »[4], les profanes contribuent à la production de connaissances et les sciences en viennent à se confondre avec la recherche. La « majorité silencieuse » demeure quant à elle absente de ces récits.

Pourtant, dans des sociétés où la pratique scientifique est reconnue par le plus grand nombre et où il est attendu que chacun possède des connaissances de type scientifique, cette majorité silencieuse pourrait être objet d'histoire. Une piste pour tenter de saisir le devenir de cet ensemble hétérogène que rien de spécifique ne caractérise (il ne s'agit ni d'activistes, ni de professionnels particuliers) consiste à s'intéresser aux médias généralistes et populaires qui construisent et véhiculent des discours sur la science. Parmi ceux-ci, les textes associés à l'enseignement des sciences (programmes et manuels) occupent une place particulière à la fois parce qu'ils sont devenus, en parallèle de la généralisation de la scolarité, des productions médiatiques qui s'imposent à la grande majorité de ces individus ordinaires, et parce qu'ils sont aussi souvent perçus comme des « sources autorisés » du savoir. Dès lors, leur position dans le cadre d'une histoire des sciences « par en bas » nécessite d'être étudiée. À partir de l'exemple de différents manuels scolaires (certains publiés sous l'égide de « grands noms » de la science, d'autres rédigés au contraire par des enseignants de filières et d'établissements peu prestigieux) cette communication invite à s'interroger sur l'usage qui peut être fait de ces textes dans le cadre d'une histoire « par en bas » et sur la place que peuvent y tenir les personnels de l'enseignement. Elle s'appuie sur l'histoire de l'éducation pour déterminer à quelles conditions il est possible de les intégrer et montre l'intérêt qu'il y a à prendre en compte dans ce cadre conceptuel ces enseignants et ouvrages jusqu'à présent peu étudiés par les historiens des sciences et de l'enseignement.


[1] I. Löwy, « Le genre dans l'histoire sociale et culturelle des sciences », Annales, 50, 3, 1995, pp. 523-529 pour une présentation de premiers résultats. Une synthèse des travaux sur le genre a été proposée par D. Pestre, Introduction aux Science Studies, La Découverte, 2006, ch. 5.

[2] H. M. Collins, R. Evans, “The Third Wave of Science Studies: Studies of Expertise and Experience”, Social Studies of Science, 32, 2, 2002, pp. 235-296.

[3] M. Callon, P. Lascoumes, Y. Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Seuil, 2001.

[4] Ibid. p. 129



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